Sans doute, peu de genres littéraires ont été discutés avec tant de
passion que celui du roman-feuilleton. Les uns l’ont toujours considéré comme
littérature de « bas étage » voir littérature purement commerciale, d’autres
ont parlé de son impact énorme sur les gens sans formation supérieure (ou sans
formation tout court) qui, par le biais de ces romans, ont appris à apprécier
la littérature. Et encore d’autres ont fêté les romans-feuilletons comme les
premiers livres « ouverts », où le lecteur a son mot à dire et où il est
en pleine communication avec l’auteur.
Peu importe ce que pensaient les critiques à l’époque de son
invention, le roman-feuilleton est représenté par une longue liste d’auteurs
que l’histoire a reconnus comme les plus grands : Balzac, Dumas père,
Eugène Sue, Charles Dickens, Arthur Conan Doyle, Emile Zola, Ponson du Terrail,
…
Il est vrai qu’une partie de ces romans a été exploitée par les
journaux pour des objectifs commerciaux - mais le mobile des auteurs était la
possibilité sans égal d’être face à face avec leurs lecteurs. Grâce aux petits
prix des journaux qui les publiaient, leurs livres étaient enfin abordables
même pour ceux qui ne gagnaient pas beaucoup et, plus important encore, les
lecteurs pouvaient assister à la création des romans. La technique de la
publication en « petits morceaux », avec des pauses qui laissaient le
temps de réfléchir et de se prononcer permettait aux lecteurs d’être présents
dans chaque phase de la création, et ils étaient invités à intervenir, à donner
des conseils pour la suite, à exprimer leurs sentiments. L’auteur écrivait le
livre, mais ses lecteurs lui assistaient dans l’invention et la direction de l’intrigue.
De cette manière, il n’est pas étonnant que ce genre de littérature
fût réservé aux meilleurs parmi les écrivains de l’époque. Car pour être prêt à
accueillir les suggestions et critiques des lecteurs - théoriquement de tous
les lecteurs - il ne fallait pas seulement l’ouverture de l’esprit, mais aussi
l’imagination féconde et souple. Parfois, un écrivain, suivant les idées de ses
lecteurs, changeait entièrement le caractère d’un personnage, en inventait de
nouveaux ou réécrivait la suite de l’intrigue. Il va de soi que les écrivains
des romans-feuilletons étaient aussi extrêmement tolérants : car si tout
le monde peut se mêler de l’intrigue, il y a aussi des idées peu cohérentes et
des critiques susceptibles de blesser l’égo du créateur de l’histoire.
Dumas, Dickens, Zola et tous les autres étaient évidemment assez
forts de caractère et d’imagination pour apprécier plutôt ce genre de création.
Et l’histoire de la littérature a confirmé le goût de l’époque : la
plupart des livres d’abord publiés comme romans-feuilletons n’ont pas seulement
survécus jusqu’à nos jours, ils sont même devenus des « classiques ».
Aujourd’hui, l’idée du roman-feuilleton est reprise par quelques
auteurs qui ont le désir de produire, comme jadis, face à face avec leurs
auteurs. Mais comparé aux possibilités des Ponson du Terrail ou Conan Doyle, leurs
moyens de communication sont encore plus efficaces et, surtout, encore plus
directe. La nouvelle technologie ne permet pas seulement la publication des
nouveaux romans-feuilleton à un prix plus que raisonnable, mais elle améliore
aussi la communication directe entre auteur et lecteur.
Le
roman-feuilleton qui révèle la vérité sur
les minuscules villages des Pyrénées
les minuscules villages des Pyrénées